Le 20 février 2025, le Parlement français a définitivement adopté le projet de loi d’orientation agricole, juste avant l’ouverture du Salon de l’Agriculture.
Ce texte ambitieux vise à renforcer la souveraineté alimentaire, faciliter l’installation des nouveaux agriculteurs et adapter les réglementations environnementales. Cet article propose une analyse détaillée des principales dispositions de cette loi et de leurs implications pour le secteur agricole français.
Renforcement de la souveraineté alimentaire
◾️ Consécration de l’agriculture comme intérêt général majeur
Dès son premier article, la loi affirme que l’agriculture constitue un « intérêt général majeur de la Nation« . Cette reconnaissance juridique souligne l’importance cruciale des activités agricoles pour les intérêts fondamentaux du pays. La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a déclaré que l’objectif est d’augmenter significativement le potentiel agricole national afin de réduire les dépendances alimentaires 1.
◾️ Principe de non-régression de la souveraineté alimentaire
Le texte introduit également le principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire« , inspiré du concept de non-régression environnementale présent dans le code de l’environnement. Cette disposition vise à garantir qu’aucune loi future ne pourra diminuer le niveau de souveraineté alimentaire atteint, établissant ainsi une égalité de traitement entre les enjeux écologiques et agricoles 2.
◾️ Interdiction conditionnelle des pesticides
Une mesure notable de la loi est l’adoption du principe « pas d’interdiction de pesticides sans solution« . Concrètement, cela signifie qu’aucun produit phytopharmaceutique ne pourra être interdit sans qu’une alternative économiquement viable et techniquement efficace soit disponible pour les agriculteurs. Cette disposition, soutenue par la majorité de droite et du centre, vise à protéger les cultures tout en assurant la viabilité économique des exploitations 3.
Facilitation de l’installation et de la transmission des exploitations agricoles
◾️ Création du « Bachelor Agro »
Pour encourager le renouvellement générationnel dans le secteur agricole, la loi instaure un nouveau diplôme de niveau bac +3 intitulé « Bachelor Agro ». Ce cursus, doté d’une orientation résolument entrepreneuriale, a pour ambition de former des agriculteurs compétents et innovants, prêts à relever les défis contemporains de l’agriculture 4.
◾️ Mise en place d’un guichet unique départemental
La loi prévoit la création d’un guichet unique départemental, baptisé « France Services Agriculture« , géré par les chambres d’agriculture. Ce dispositif centralisera toutes les démarches liées à l’installation et à la transmission des exploitations, offrant ainsi un accompagnement personnalisé aux agriculteurs souhaitant céder ou reprendre une exploitation. Ce guichet devrait être opérationnel d’ici le 1er janvier 2027 5.
◾️ Diagnostic modulaire et aide au passage de relais
Un « diagnostic modulaire » facultatif sera proposé aux exploitants pour évaluer la viabilité économique, sociale et environnementale de leur projet. De plus, une « aide au passage de relais » d’environ 1 000 euros par mois sur une période maximale de cinq ans sera accordée aux agriculteurs proches de la retraite rencontrant des difficultés pour transmettre leur exploitation 6.
Adaptation des réglementations environnementales
◾️ Dépénalisation de certaines atteintes à la biodiversité
L’article 13 de la loi suscite des débats en prévoyant la dépénalisation de certaines atteintes non intentionnelles à la biodiversité. Désormais, ces infractions seront sanctionnées administrativement par une amende pouvant aller jusqu’à 450 euros, au lieu des peines actuelles pouvant atteindre trois ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Cette mesure, critiquée par les écologistes, vise à alléger la pression juridique sur les agriculteurs 7.
◾️ Accélération des procédures pour les projets agricoles
La loi introduit une présomption d’urgence pour les contentieux liés à la construction de bâtiments d’élevage ou de retenues d’eau agricoles, communément appelées « mégabassines ». Cette disposition vise à accélérer les procédures judiciaires, limitant la durée des recours à deux ans maximum, contre jusqu’à dix ans auparavant. L’objectif est de fournir une plus grande sécurité juridique aux porteurs de projets agricoles 8.
Réactions et perspectives
◾️ Soutien des organisations professionnelles agricoles
Les principales organisations professionnelles agricoles, telles que la FNSEA, ont salué l’adoption de cette loi, y voyant une avancée significative pour la protection de la souveraineté alimentaire et le soutien aux agriculteurs. Elles apprécient notamment les mesures facilitant l’installation des jeunes et la transmission des exploitations, ainsi que la prise en compte des réalités économiques dans les décisions relatives aux produits phytopharmaceutiques.
◾️ Critiques des associations environnementales
À l’inverse, plusieurs associations de défense de l’environnement et des partis écologistes ont exprimé leur inquiétude face à certaines dispositions de la loi. Ils dénoncent notamment la dépénalisation de certaines atteintes à la biodiversité, qu’ils considèrent comme un recul en matière de protection environnementale. Yannick Jadot, sénateur écologiste, a qualifié cette loi de « déni de la nature », soulignant les impacts potentiels de l’agriculture sur la biodiversité, les sols, l’eau, le climat et la santé 9.
En conclusion…
L’adoption du projet de loi d’orientation agricole du 20 février 2025 marque une étape importante pour le secteur agricole français. En affirmant la souveraineté alimentaire comme un enjeu majeur, en facilitant l’installation et la transmission des exploitations, et en adaptant certaines réglementations environnementales, cette loi ambitionne de renforcer la résilience et la compétitivité de l’agriculture française.
Toutefois, les débats qu’elle suscite reflètent la complexité de concilier les impératifs économiques, sociaux et environnementaux dans le cadre des politiques agricoles.
Sources
- « Que contient le projet de loi agricole, définitivement adopté avant l’ouverture du Salon de l’agriculture ? » – Public Sénat
- « À 48 heures de l’ouverture du Salon de l’agriculture 2025, la loi d’orientation agricole définitivement adoptée par le Parlement » – Midi Libre
- Loi n° 2025-136 du 15 février 2025 visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la mutualité sociale agricole – Légifrance
- Décret n° 2025-124 du 11 février 2025 portant dispositions diverses en matière agricole – Légifrance
- Décret n° 2025-120 du 10 février 2025 portant dispositions relatives à l’assurance récolte et à la solidarité nationale pour la gestion des risques en agriculture – Légifrance
- « Loi d’orientation agricole : le Sénat adopte un texte largement remanié » – Public Sénat
- « Le Sénat a achevé l’examen du projet de loi d’orientation agricole » – Public Sénat
- « Loi d’orientation agricole : en commission mixte paritaire, députés et sénateurs s’accordent sur un texte proche de celui voté au Sénat » – Public Sénat
- JORF n° 0043 du 20 février 2025 – Légifrance